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Transmission d’un monument historique : des précisions bienvenues du Conseil d’Etat

Les conséquences d’un dépôt tardif auprès de l’administration fiscale du projet de convention d’exonération de droits de mutation à titre gratuit visé à l’article 795 A du code général des impôts sont enfin tranchées, après des décisions divergentes rendues par les juges du fond. Par Vanessa Mougeolle, avocat counsel et Nadia El Bakkali Diaby, avocat, CMS Francis Lefebvre

Pour bénéficier de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit, l’héritier (ou donataire ou légataire) d’un bien immobilier classé ou inscrit en tant que monument historique doit conclure avec l’État une convention à durée indéterminée dans laquelle il prend certains engagements concernant le bien immobilier transmis.La procédure de demande d’exonération auprès de l’administration fiscale se déroule de la façon suivante :

dans un premier temps, l’héritier remet au service des impôts, dans un délai de six mois, une copie de la demande de convention adressée à la Direction des affaires culturelles (DRAC) et certifiée conforme par celle-ci ; dans un second temps, l’héritier dépose auprès du service des impôts, dans le délai d’un mois à compter de la signature de la convention avec l’État, une copie certifiée conforme de cette convention.

Dans l’affaire soumise à l’appréciation du Conseil d’État, deux frères avaient hérité de leur tante décédée le 18 décembre 2010 un château inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Ils avaient demandé à ce titre le bénéfice de l’exonération de droits de succession et adressé un projet de convention à la DRAC le 17 juin 2011, soit moins de six mois après le décès.

La déclaration de succession n’avait toutefois été déposée auprès de l’administration fiscale qu’en 2013, soit plus de six mois après le décès, de même que le projet de convention certifié conforme.

Le bénéfice de l’exonération de droits de succession leur a été refusé par le ministre des actions et des comptes publics au motif que la déclaration de succession et le projet de convention avaient été déposés tardivement, en l’espèce plus de six mois après le décès de leur tante.Les deux héritiers ont attaqué cette décision devant deux juridictions différentes :

l’un des héritiers s’est vu donner raison par la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai 16 septembre 2021 n°19DA02608), marquant à ce titre un revirement de sa propre jurisprudence ; le second a vu ses prétentions rejetées par la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles 27 mai 2021 n°19VE01380), dans la droite ligne de la jurisprudence majoritaire rendue en la matière.

Par deux décisions rendues le 11 février 2022 (CE 11 février 2022 n° 454999 et n° 458465), le Conseil d’État a mis un terme à cette divergence d’analyse entre les juges du fond et a jugé que :

d'une part, la demande de convention d’exonération de droits de mutation à titre gratuit ne saurait être regardée comme une demande d’agrément déposée en vue de la réalisation d’une opération ; d’autre part, les dispositions litigieuses ont seulement pour objet de prévoir les modalités selon lesquelles le paiement des droits de mutation à titre gratuit exigibles peut être différé jusqu'à la signature de la convention.

Ces dispositions n’ont ni pour objet, ni pour effet de subordonner le bénéfice de l’exonération de droits de mutation au dépôt d'une déclaration de succession accompagnée d'une copie de la convention certifiée conforme dans le délai de dépôt de la déclaration de succession.

Il résulte de ces deux décisions rendues par le Conseil d’État que le dépôt tardif (postérieurement au délai de six mois suivant le décès) auprès de l’administration fiscale de la déclaration de succession accompagnée de la copie de convention visée à l’article 795 A du CGI ne peut à lui seul avoir pour conséquence la perte du bénéfice de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit.

Le Conseil d’État confirme donc le revirement de jurisprudence initié par la Cour administrative d’appel de Douai en septembre 2021.

Le dépôt tardif de la convention peut en revanche entraîner la perte du bénéfice du différé de paiement des droits de succession jusqu’à la signature de la convention. Dans une telle hypothèse, l’héritier devra donc s’acquitter des droits de succession mais pourra ensuite, si toutes les conditions sont réunies, réclamer le dégrèvement des droits initialement supportés.


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